L'algèbre s'intéresse, au moins dans un premier temps, à des relations liant une ou des inconnues à des valeurs connues - les ÉQUATIONS. Les mathématiciens arabo-persans ont considérablement fait progresser cette discipline.

Algèbre vient de l'arabe al-dijabr, terme médical signifiant réduire une fracture. L'origine médicale du terme se retrouve également en espagnol, où l'algébriste désigne aussi le rebouteux. Comme le rebouteux, le mathématicien, pour résoudre une équation, cherche d'abord à la réduire afin de la ramener à une forme connue et facile à résoudre. L'équation est résolue après un certain nombre de manipulations précises. En arabe, l'une de ces manipulations - la réduction - s'appelle al-djabr. Par extension, cette manipulation a donné son nom à l'ensemble des manipulations à mettre en oeuvre pour la résolution d'une équation.

L'algèbre a fait un grand bond en avant au xvie siècle grâce à François Viète et Albert Girard, qui ont introduit le calcul littéral. Au lieu d'utiliser le langage courant pour poser et résoudre un problème (ce qui devient rapidement très lourd), on utilise désormais des lettres. Ce passage de phrases et de chiffres à des lettres se révèle puissant et efficace. On peut aisément se rendre compte de la lourdeur d'un énoncé utilisant le langage courant dans les exemples suivants.

Avant les mathématiciens de la Renaissance, on disait par exemple " trouver un nombre dont le triple ajouté au nombre quatre vaut zéro ". Par la suite, en nommant x le nombre inconnu, on retranscrit par: 3x + 4 = 0. Voici un autre exemple plus général: " Trouver un nombre tel que la somme d'un certain nombre de fois l'inconnue et d'un autre nombre vaille zéro " sera traduit par l'équation : ax + b = 0. Cette équation condense une infinité de phrases, toutes celles où a et b prennent des valeurs particulières. Un problème qui nécessitait jadis plusieurs pages se résout aujourd'hui en quelques lignes.

En voici un exemple. Pour aller à la piscine, vous avez deux possibilités : soit vous prenez des tickets à l'unité (12 F), soit vous prenez un abonnement de 120 F, qui vous permet pour chaque entrée de bénéficier de 25 % de réduction. À partir de combien d'entrées la deuxième solution devient-elle plus rentable ?

Soit x un nombre d'entrées.

Pour la première solution, la dépense est de 12x ; pour la deuxième, on paie 120 F l'abonnement puis chaque entrée revient à 9 F, d'où une dépense de 120 + 9x.

La deuxième formule devient plus avantageuse dès que l'on paie moins en l'utilisant, c'est-à-dire dès que

12x>_120+9x d'où 3x > 120 soit x >_ 40.

Au bout de quarante entrées, la solution " abonnement " est plus avantageuse.

Cette démarche est caractéristique de la résolution algébrique d'un problème donné. On traduit d'abord le problème par une (ou des) (in)équation(s), puis on passe à la résolution. Historiquement, l'algèbre est née de problèmes d'ordre quotidien (héritages, partages de terres, impôts...). Aujourd'hui, le problème, par exemple, posé par la conception d'un impôt (équitable) au niveau européen, est un problème mathématique sérieux.

(Extrait de "Qu'est-ce que les mathématiques" de N.Verdier ed.Le Pommier)