La migration, une énigme :
De tous les oiseaux, l'hirondelle est sans doute
celle qui a fait la première prendre conscience à l'homme de
l'incroyable phénomène de la migration. Pourquoi cette petite
bête atteignant tout juste 20 grammes ressent-elle, à la mauvaise
saison, la nécessité de parcourir plus de 10000 kilomètres ? Pour
réaliser cet exploit, elle utilise le vol battu, c'est à dire que
ses ailes sont presque toujours en mouvement. Difficile à croire !
En effet, jusqu'à il y a 200 ans le phénomène migratoire était
méconnu, à la lecture des ecrits anciens, nous avons imaginé cette
conversation entre Mr Magnus scientifique érudit et Mr Faure simple
paysan plein de bon sens :
_Mr Magnus : Ecoutez, Mr Faure, j'ai bien réfléchi, si
on voit se rassembler les hirondelles l'automne dans les roselières
et qu'elles n'en décollent plus, c'est qu'elles s'enfoncent dans la
vase pour passer l'hiver ! _Mr Faure : Ben, c'est à dire, j'veux
pas vous être désagréable, mais comment c'est y qu'elles font pour
respirer ces braves bêtes ? _Mr Magnus : Mais si, on m'a rapporté
que des pêcheurs de Norvège en attrapaient régulièrement dans leurs
filets ! _Mr Faure : Alors elles doivent être mortes de froid les
petites. _Mr Magnus : Bien sûr que non, juste engourdies, et
c'est en les plaçant près du feu qu'on les réanime _Mr Faure :
Vous connaissez Mr Larray, notre brave docteur, hé bien lui qu'a
beaucoup voyagé, y m'disait qu'il en avait vu des centaines dans des
grottes dans ces contrées si loin que lui seul peut retenir le nom.
Croyez pas qu'on devrait vérifier par ici ? Y'a bien des petites
cavernes près de la forêt, et j'y ai déjà vu des chauves souris en
hiver quand j'étais gamin. _Mr Magnus : Des contrées lointaines ?
Vous avez peut être bien raison, il faut que je rende visite au
docteur pour le questionner.
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© D. Collin
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350 av. J.-C., Aristote tenait déjà ces propos et c'est
ainsi que pendant des siècles, les scientifiques ont cru les hirondelles
capables de passer la période hivernale, sous l'eau ou enfouie dans la
vase. Toutes ces croyances reposent probablement sur le fait que les
hirondelles qui se réunissent en dortoir dans les roselières et décollent
très discrètement avant le lever du soleil. (à lire : témoignage de Daniel Bizet) Vers
1780, le naturaliste Buffon, est un des premiers, dans "Histoire
naturelle des oiseaux", à remettre en cause ces théories et à avancé
que les hirondelles passent l'hiver dans des contrées moins froides, qui
leur offre des insectes en abondance.
 © Monique Courtade
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Le baguage, preuve scientifique :
A la fin du 18ème siècle, des érudits comme le moine
Lazzaro Spallanzani en Italie ou encore J.L.Frisch en Allemagne
eurent l'idée d'attacher des fils colorés aux pattes des
hirondelles. Ils avaient ainsi inventé la technique du baguage.
Pour l'Europe, c'est Christian Mortensen au Danemark qui le
premier a institué un baguage national en 1899. On réussit ainsi
à établir les premières cartes migratoires qui prouvent que les
hirondelles vont passer l'hiver en Afrique. (Jean
Méguin) En France, ce seront des personnes comme Ménégaux
et Bourdelles qui institutionnaliseront le baguage dès
1911.
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Ce nouvel outil scientifique connaîtra un succès
international grandissant et grâce à lui, les premières cartes
migratoires verront le jour. L'hirondelle figure toujours dans
les listes de programmes d'oiseaux à baguer qui sont définies par le
CRBPO (centre de recherche sur la biologie des populations
d'oiseaux). Bien que ses chemins migratoires soient bien connus
aujourd'hui, on essaie d'en savoir plus sur la dynamique des
populations et sur le comportement de l'espèce http://www.mnhn.fr/mnhn/meo/crbpo/ Pour
l'Europe, c'est l'EURING qui
centralise les données de baguage. Un projet mondial sur l'étude par
baguage de l'hirondelle rustique est en cours (pour en savoir
plus)
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 © Monique Courtade
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 © F.
Brochet
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Pourquoi migrer ?
La première réponse qui vient à l'esprit est que les
hivers sont trop froids en Europe, ce qui n'est pas entièrement faux
mais cette seule explication n'est pas suffisante car il existe bien
des passereaux qui résistent au froid. La raison déterminante
vient du régime alimentaire spécialisé de l'hirondelle. Elle ne
mange que des insectes volants qui disparaissent totalement l'hiver
alors que dans le même temps, l'Afrique en regorge. Alors
pourquoi ne se reproduit-elle pas là bas ? Une des hypothèses
vient du fait que la concurrence est rude en Afrique en période de
nidification. En effet, il n'existe pas moins de 37 espèces
indigènes d'hirondelles en Afrique (La hulotte n°70
p30) sans compter les nombreuses autres espèces
insectivores.
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Départ pour l'Afrique
Fin septembre, les jeunes hirondelles et les adultes
qui ont terminé d'élever leur progéniture se regroupent le soir en
dortoir dans les roselières autour des étangs pour y passer la nuit.
Les journées sont entièrement consacrées à la chasse car il faut
constituer une réserve de quelques grammes de graisses ; ce précieux
carburant qui permettra de traverser mer et désert. Insolite
: dans certains endroits où les roselières ont été complètement
rayées du paysage (zones de culture intensives) les hirondelles sont
contraintes de se rassembler dans ce qui ressemble le plus à des
roselières : les champs de maïs Jusqu'au jour où le besoin de
partir devient plus fort, on les voit alors se regrouper sur les
fils électriques, piaillant jusqu'au moment du signal mystérieux qui
les décidera à partir : embarquement immédiat, direction :
l'Afrique.
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 © Bernard Flenet
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Certaines, moins décidées, stationnent encore un peu,
d'autres aux nichées tardives continuent à nourrir leurs jeunes qui
pourront alors les suivre. Tout en progressant, les hirondelles en
profitent pour happer les insectes qui se trouvent sur leur passage. Et ce
supplément d'énergie ne sera pas de trop pour vaincre le redoutable
obstacle qui les attend. La traversée de la Méditerranée sera sans
pitié pour les plus faibles d'entres-elles, et en cas de gros grain, ce
sera la véritable hécatombe dans les rangs de nos vaillants
oiseaux. Une fois sur les côtes de l'Afrique, il leur restera un autre
obstacle non moins facile à traverser : L'immense désert saharien
!
Insolite : Extrait de l'ouvrage "mœurs et instinct des
animaux" par A.POUCHET en 1897 (pris remis à un élève du lycée Condorcet
en 1899) [...] Durant mes pérégrinations à travers la Méditerranée, au
milieu de la mer, des hirondelles égarées vinrent tomber complètement
épuisées sur le pont de la frégate qui me portait en Afrique. Tout le
monde, matelots et soldats, les environna de soins, qu'elles recevaient
pleines de confiance. Quand elles eurent enfin dissipé leurs fatigues,
elles reprirent leur voyage vers les chaudes régions du Sénégal ; et
depuis longtemps peut-être elles s'y reposaient sous les cabanes des
sauvages, lorsque nous, nous n'avions pas encore salué les ports d'Algérie
[...]
 © D. Collin
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Hivernage :
Nos hirondelles passent l'hiver au Nord de
l'équateur. Le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Centrafrique; sont
les pays que choisissent les hirondelles qui nichent en France (soit
des distances de 5 à 7000Kms) contrairement aux hirondelles russes
et anglaises qui préfèreront les pays au sud de l'équateur (soit des
distances souvent supérieures à 10000Kms). Dans ces pays, elles
profiteront des nombreux insectes présents (si toutefois on n'aura
pas décidé de tout anéantir par des pesticides dévastateurs). Elles
pourront ainsi se refaire une santé et en profiteront également pour
remettre leur plumage à neuf. Le remplacement du plumage qui a lieu
une fois par an chez les passereaux s'appelle la
mue.
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Insolite : les hirondelles sont souvent aperçues
chassant au-dessus des forêts en Afrique alors que c'est un biotope
qu'elles semblent éviter en France (Jean Méguin)).
Souvenirs d'Afrique
Fin janvier, un irrésistible besoin de se reproduire
gagne progressivement nos migratrices ailées. Ici en Afrique, tout
va pour le mieux, la nourriture est abondante, le climat agréable.
Qu'est-ce qui peut bien pousser ces oiseaux à quitter ces lieux
paradisiaques ? C'est probablement que depuis très longtemps, elles
ont choisi l'Europe pour nicher. Ces contrées sont certes
lointaines, mais là bas, la concurrence est faible pour attraper les
mouches, moucherons, moustiques et tipules qui pullulent dans les
marais et les étables.
Alors, cela vaut peut-être bien la
peine de faire autant de chemin, oui mais sans trop flâner, car le
premier arrivé aura la meilleure place dans l'étable
!
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 © Don Baccus
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Mais les hirondelles ne peuvent progresser aussi vite
qu'elles le souhaiteraient car elles suivent une zone climatologique dans
laquelle il fait environ 10°. Cette température suffit pour que les
premiers insectes deviennent actifs. En les attrapant, en plein vol, elles
peuvent refaire le plein d'énergie. Toujours est-il que fin février, elles
apparaissent sur les rives nord de la Méditerranée.
Les premières
hirondelles lorraines arrivent ainsi en avril. Mais quelques individus
intrépides se sont déjà montrés dès la mi mars. Après un court séjour
sur les étangs et dans les meilleures zones de chasse pour se refaire une
santé, la merveilleuse aventure de la reproduction pourra alors commencer
par la consolidation ou la création d'un nid.
Des hirondelles à Noël.
Insolite : Depuis quelques années, les ornithologues
notent des hirondelles - et surtout l'hirondelle rustique - de plus en
plus tard en automne. Des cas d'hivernage complet ont même été récemment
notés, dans le Midi, mais aussi le long de la côte atlantique jusqu'en
Bretagne ! Il est peut-être trop tôt pour dire, mais la succession
d'hivers doux que l'Europe connaît actuellement n'est sans doute pas
étrangère à ce nouveau comportement. Affaire à suivre... (dossier de presse L'année de l'hirondelle - LPO)
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