Plan de restauration national de l'Outarde canepetière Tetrax tetrax (L, 1758) en France
2002 - 2006
RESUME
L'Outarde canepetière est classée comme espèce dont la conservation mérite une attention particulière. Elle fait partie des 7 espèces d'oiseaux les plus menacées de France. Son statut actuel recouvre des réalités variables selon les zones géographiques :
Parmi les six menaces identifiées, l'intensification de l'agriculture compromet gravement l'avenir de l'outarde. Pour tous les sites, de plaine ou méditerranéens, la conservation de l'outarde dépend de l'application de programmes agro-environnementaux à grande échelle, favorisant la diversification des cultures annuelles, le maintien des couverts permanents ainsi que l'élevage traditionnel. La désignation de zones de protection spéciale, et la réalisation des documents d'objectifs qui en découlent, est une priorité. Pour les plaines céréalières, devant les risques d'extinction à court terme, une étude de faisabilité du renforcement des populations par relâcher d'oiseaux élevés en captivité doit être engagée dès 2002 afin de pouvoir, si les conclusions sont positives, lancer un programme dans les plus brefs délais, tant que les effectifs d'outardes sur le terrain le rendent possible. Ce plan de restauration, prévu pour 5 ans (2002-2006) sera coordonné par la Ligue pour la Protection des Oiseaux sous l'autorité du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement. Un comité de pilotage national composé de scientifiques, de naturalistes, de chasseurs, de la profession agricole et des services de l'Etat (ministères de l'environnement et de l'agriculture) suivra et évaluera ce plan.
SUMMARY
A écrire
S O M M A I R E
REMERCIEMENTS p.5
CONTEXTE ET OBJECTIF p.5
I. Etat des connaissances p.6
4.1. Au plan national p.8 4.2. Evolution des effectifs et de l’abondance par espace agricole p.11 4.2.1. Crau et sites provençaux 4.2.2. Languedoc-Roussillon 4.2.3. Plaines céréalières
5.1. Aux plans mondial et européen p.17 5.2. France p.17
6.1. Sélection de l’habitat (en periode de reproduction) p.18 6.2. Reproduction p.18 6.3. Alimentation p.19 6.4. Dynamique de la population p.19 6.5. Migration, Rassemblements postnuptiaux et données d’hivernage p.20 7. Aspects économiques et culturels p.23 7.1 Aspects culturels p.23 7.2. Aspects économiques p.23 8. Menaces et facteurs limitants p.25 8.1. Identification des menaces p.25 8.2 Intensification de l’agriculture p.26 8.3. Déprise agricole p.30 8.4. Infrastructures linéaires p.31 8.5. Urbanisation p.32 8.6. Prédation p.32 8.7. Dérangements p.33 8.7.1. chasse p.33 8.7.2. ecotourisme p.33 9. Actions de conservation déjà réalisées p.34 9.1. les Zones dE Protection Spéciale (ZPS) p.34 9.1.1. les ZPS désignées p.34 9.1.2. les ZPS en projet p.34 9.2. La Crau p.35 9.2.1. Protection réglementaire p.35 9.2.2. Gestion contractuelle p.35 9.3. Mesures agro-environnementales en plaine céréalière p.36 9.4. Le programme LIFE Nature n°B4-3200/96/515 p.36 9.5. Signalisation de lignes électriques p.37 10. Conclusion p.38
II. Mise en œuvre du plan de restauration national de l'Outarde canepetiere p.41
11. Durée p.42 12. stratégie p.42 13. objectifs p.42 13.1 objectifs generaux p.42 13.2 objectifs specifiques p.42 14. actions a mettre en œuvre p.43 14.1 actions transversales de niveau national p.43 14.2 plaines cerealieres p.45 14.3 Crau p.48 14.4Languedoc et sites provençaux hors crau p.49 15. Mise en œuvre p.50 15.1 Acteurs et partenaires p.50 15.2 Coordination nationale et locale p.51 15.3 comité de pilotage p.51 15.4 indicateurs d’évaluation du plan p.52 16. Evaluation financière p.52 17. Planification des activités, calendrier 2002-2006 p.53 conclusion generale p.57 Références bibliographiques p.59 glossaire p.63 liste des annexes p.64
Remerciements
La Direction de la nature et des paysages du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement remercie la Ligue pour la Protection des Oiseaux (Christophe Jolivet et Michel Métais) pour l'animation du groupe de travail et la coordination de ce plan.
La rédaction de ce plan et la réflexion stratégique a été alimentée par le groupe de travail composé des personnes suivantes :
Que ces personnes soient remerciées pour le remarquable travail fourni ainsi que pour les actions de terrain qui ont été conduites.
CONTEXTE ET OBJECTIF
L’Outarde canepetière fait l’objet d’un plan d’action international (de JUANA et MARTINEZ, 1999) validé en septembre 1999 par la Commission Européenne. Ces plans d’action internationaux concernent les espèces d’oiseaux dont la sauvegarde est jugée prioritaire par la Commission Européenne et constituent une référence pour la mise en place des projets LIFE Nature. Depuis 1988, 11 programmes LIFE Nature portant intégralement ou partiellement sur la conservation de l’Outarde canepetière, ont été financés par la Commission Européenne pour un budget total de 16 millions d’euros (part communautaire : 9M€, DIANA, 1999). Ces projets ont été mis en œuvre en Espagne, Italie et France (Crau).
Le plan de restauration de l’Outarde canepetière est réalisé dans le cadre du programme expérimental LIFE Nature de conservation de l’Outarde canepetière et de la faune associée en France (LIFE Outarde), n°B4-3200/96/515, coordonné par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), dont il constitue la suite logique.
I. ETAT DES CONNAISSANCES
L’Outarde canepetière est un oiseau steppique de taille moyenne (masse corporelle moyenne de 876 grammes sur une population des Deux-Sèvres, n = 31, Bretagnolle & Jiguet, données non publiées) de la famille des Otididae. Le mâle, en plumage nuptial, se reconnaît aisément à sa coloration contrastée et surtout à ses parades bruyantes et animées. La femelle est en revanche beaucoup plus discrète et parfaitement camouflée : le dos, la tête et le cou sont bruns finement tachetés de noir et de crème. Son plumage terne la dissimule parfaitement dans la végétation.
2. SYSTEMATIQUE
Sur le plan systématique, l’Outarde canepetière est la seule représentante du genre Tetrax. Ce genre n’est reconnu que depuis peu, puisque, autrefois, elle était associée à la Grande outarde Otis tarda dans le genre Otis. Cette distinction est supportée par une analyse phylogénétique récente (C. Pitra, comm. pers), qui indique que l’outarde canepetière et la Grande Outarde ne sont pas étroitement apparentées. Deux sous-espèces sont traditionnellement reconnues chez l’Outarde canepetière (Tetrax t. tetrax, et T. t. orientalis), différant essentiellement par la taille, mais cette fois-ci une analyse génétique préliminaire réalisée par C. Pitra, ne détecte pas de différence au sein des différentes populations européennes et russes.
3. Statut légal DE PROTECTION
L'Outarde canepetière est protégée par la Convention de Berne relative à la conservation des habitats naturels en Europe (annexe 2 : les Etats s'engagent à prendre les mesures nécessaires et appropriées pour protéger les sites où les espèces sont présentes). Elle est également inscrite à l'annexe 2 de la Convention de Washington relative au commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvages menacées d'extinction.
La Directive du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (79/409/CEE) assure une protection de l'Outarde canepetière qui est inscrite à l'annexe 1 dans la liste des espèces devant bénéficier de mesures de conservation spéciales de son habitat afin d'assurer sa survie et sa reproduction.
Depuis 1972, l’Outarde canepetière est protégée en France (arrêté ministériel du 24 janvier 1972). Le régime juridique actuellement applicable est celui de la loi du 10 juillet 1976 (la liste des oiseaux protégés a été fixée par arrêté du 17 avril 1981). L’arrêté ministériel du 9 juillet 1999.a inscrit l’outarde dans la liste des espèces de vertébrés protégées, menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département. Ainsi, toute autorisation de prélèvement, de détention, de transport, ou de destruction concernant cette espèce demeure de compétence ministérielle et non préfectorale.
4. Distribution, abondance et tendances au cours du 20ème siècle
4.1 Au plan national
L’outarde a fait l'objet de 3 enquêtes nationales (1980, 1995, 2000) qui complètent les deux atlas nationaux des oiseaux nicheurs (1976 et 1994). Une référence historique est constituée par l’enquête de ternier en 1886 (boutin et metais 1994) mais peu de données fiables sur la répartition de l’outarde existent avant l’atlas de 1976. Ces éléments permettent de dresser un bilan assez précis de l'évolution des populations sur la période 1976 – 2000.
Depuis l’enquête de 1980, qui annonçait 7200 mâles chanteurs (metais, 1985), l’effectif national d’outardes est tombé à 1300-1400 mâles en 1995 et en 2000 (jolivet, 2001), soit une diminution de 82% en 20 ans. Cette diminution quantitative est tout aussi manifeste sur le plan de l’aire de distribution (cf annexe 1). Cependant, deux points importants sont à souligner : en premier lieu, cette diminution quantitative de même que la restriction de l’aire de distribution masquent des disparités régionales sur le plan des tendances, puisque certaines populations se sont étendues ou bien ont vu leurs effectifs augmenter. Ainsi, l’outarde est présente en France dans trois grands types d’espaces agricoles :
Or ces trois populations, comme nous le verrons par la suite, connaissent des dynamiques radicalement opposées. Par ailleurs, la comparaison des effectifs des deux dernières enquêtes exhaustives (1995 et 2000, cf tableau 1) semble indiquer que le déclin se soit arrêté. En fait, il est plus probable que cette apparente stabilité masque une forte hétérogénéité dans la qualité ou la fiabilité des estimations (ceci est particulièrement net dans certains départements de Poitou-Charentes, ou encore dans le Gard).
Tableau 1 : Nombre de mâles chanteurs d’Outarde canepetière en France lors des enquêtes nationales de 1995-96 et 2000, par région et par département
On peut d’ailleurs se convaincre du déclin généralisé des populations en comparant, à 10 ans d’intervalle, les effectifs d’outardes estimés en 1989-91 sur les ZICO. Lors du premier inventaire (rocamora, 1994), 35 ZICO concernaient l'Outarde canepetière (cf tableau 2), pour un effectif total de 936 à 1278 mâles chanteurs. En 2000, les ZICO accueillaient entre 674 et 755 oiseaux, soit une diminution des effectifs comprise entre 28 et 41%. Ainsi, sur les 35 ZICO initiales, 15 ont perdu leur population d’outardes et 11 connaissent une diminution de l’effectif. Les ZICO accueillaient en 2000 entre 51 et 53% de l’effectif national d’Outarde canepetière. La Crau (PAC 03) revêt une très grande importance pour la conservation de l’espèce, avec 35 à 37% de l’effectif français d’outardes.
Tableau 2 : Evolution des effectifs nicheurs dans les ZICO sur la période 1990 – 2000
Légende de la colonne « évolution » 0 : stabilité D : diminution A : augmentation E : extinction
En conclusion, il apparaît donc que même entre 1995 et 2000, la population d’outarde des plaines céréalières a diminué, ce qui est largement attesté par les effectifs sur les ZICO, mais est moins apparent sur la base des résultats des deux enquêtes nationales.
4.2 Evolution des effectifs et de l’abondance par type d’espace agricole
4.2.1 Crau et sites provençaux
La Crau est une plaine alluviale de 60 000 hectares située dans les Bouches-du-Rhône, à 50 km au nord-ouest de Marseille. C’est une steppe pierreuse, semi-aride pâturée par des moutons depuis l’époque romaine. Au 16ème siècle, l’irrigation a permis de cultiver la steppe principalement par l’implantation de prairies pour le foin sur 12 000 hectares et de céréales. Au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle, des vergers intensifs de pêchers ont été plantés. Aujourd’hui, la steppe originelle subsiste sur 10 000 hectares. L’Outarde canepetière était inconnue sur le pourtour méditerranéen français avant le 20ème siècle (Cheylan, 1985). Cette espèce était seulement une hivernante rare en Crau au début du siècle et la première donnée documentée de reproduction date de 1955 (Leveque et ern, 1960 in Wolff et al., 2001). Cheylan (1985) proposait une estimation de 425 – 470 mâles chanteurs pour la Crau. A la fin du 20ème siècle, la population est estimée à 473 – 539 mâles chanteurs (Wolff et al., 2001), ce qui représente 35 à 37% de la population nationale. Ces oiseaux occupent principalement la steppe originelle et les milieux agricoles extensifs composés d’une mosaïque de pâturages, légumineuses, friches et jachères. Les outardes évitent les milieux agricoles plus intensifs comme les prairies à foin de Crau et les cultures de céréales, hormis en période post-nuptiale et en hivernage où prairies de fauche et colzas constituent des milieux importants pour l’alimentation. La colonisation toute récente de la Crau par l’Outarde canepetière et le rapide accroissement des effectifs peut s’expliquer par le développement de paysages agricoles mixtes steppe / cultures / fourrages en Crau depuis la seconde guerre mondiale (Wolff et al., 2001).
Pour les autres sites des Bouches-du-Rhône, bien qu’aucune enquête départementale n’ait été entreprise depuis 1995-96, la base de données du Conservatoire Etudes des Ecosystèmes de Provence (CEEP) donne les chiffres suivants : 8 mâles sur l’aérodrome de la Fare-les-Oliviers (1999, A. Marmasse), 4 mâles sur la Petite Crau de Châteaurenard (1999, A. Wolff), 4 à 7 mâles à Saint-Cannat (1998-2000, G. Durand), 8 mâles sur l’aérodrome des Milles à Aix-en-Provence (1999, A. Marmasse), 8 à 11 mâles sur la base aérienne de Salon (1999, G. Durand), et un minimum de deux mâles à Puyloubier (2000, A. Marmasse). Les effectifs sont inconnus sur l’aéroport de Marignane. Les populations des Bouches-du-Rhône hors Crau totalisaient donc un minimum de 34 à 40 mâles sur la période 1998-2000.
Dans les Alpes de Haute Provence, la population était estimée en 1995-96 entre 10 et 20 outardes. Sur le plateau de Valensole, site probablement le plus important du département, 10 mâles ont été dénombrés en 2000 (Tardieu comm.pers), contre 10 mâles en 1996, et 16 en 1994 (c. tardieu, in jolivet, 1997a).
Dans le Var, l'estimation de 1995-96 était de 10 à 20 mâles chanteurs, ce qui semble sous-estimé. Une enquête réalisée au printemps 2001 a révélé un effectif d’au moins 26 mâles chanteurs d’outardes, principalement répartis sur trois sites : le Grand Plan de Canjuers (12 mâles), l’aérodrome de Vinon/Verdon (7 mâles) et l’aérodrome / base militaire de Pierrefeu-Cuers (7 mâles) (lpo paca, in prep.).
Dans le Vaucluse, la population, estimée à 5 – 10 mâles chanteurs en 1995-96, était en net déclin, avec l’abandon de sites traditionnels (plateau d’Albion). En 2000, 14 mâles ont été recensés. Depuis 1996, au moins deux données de reproduction ont été collectées par les ornithologues dans ce département (Olioso, comm.pers.).
4.2.2 Languedoc-Roussillon
Une enquête réalisée en 1998 dans le Gard et l'Hérault par les naturalistes de l'association Meridionalis a permis de préciser l'effectif et la répartition des outardes. 270 à 290 mâles chanteurs ont été recensés dans ces deux départements.
Le Gard fait partie des très rares départements où l'outarde présente des effectifs en augmentation après une période de déclin prononcé. Il est cependant délicat de comparer les résultats de l’enquête de 1995 – 1996 (réalisée partiellement) à celle de 1998, quasi exhaustive. L’effectif de 40 mâles obtenu dans le cadre de l’Atlas des « Oiseaux nicheurs du Gard » (bousquet, 1993) entre 1985 et 1992 est peut-être légèrement sous-estimé mais reflète la situation démographique de cette période que l’auteur qualifiait de « retour faible mais réel ». L’enquête de 1995-96 sur une partie des territoires connus de nidification de l’espèce confirme, avec 65 mâles, ce retour dans la plaine viticole au sud et à l’est de Nîmes, alors que la population de l'ouest, sur les Causses en limite de la Lozère et de l'Aveyron, semble avoir disparu. En plaine, l'apparition de jachères et l'abandon de vignobles ont contribué à une augmentation de l’effectif de l’ordre de 40% dans la première moitié de la décennie 1990. Cette augmentation s’accompagne d’une recolonisation par l’outarde de sites abandonnés dans les années 1960 à la suite d’une mutation agricole importante (retrait du pastoralisme, irrigation, extension de l’arboriculture et de la viticulture). Le retour de l’Outarde canepetière sur ces sites est partout confirmé par les agriculteurs. En 1998, l'enquête départementale révèle un effectif de 210 mâles chanteurs dont 90% se concentrent sur 5 sites majeurs, parmi lesquels 3 totalisent plus de 60% des mâles recensés (Haute Vistrenque, Costières, secteur de Pujaut). Le manque de données sur ces sites recolonisés récemment ne permet pas de chiffrer correctement l’augmentation à l’échelle du département, mais on peut parler d’un retour très marqué de cette espèce qui confère au département du Gard une situation unique. Cette embellie ne doit toutefois pas cacher que, localement, certaines populations n’observent pas la même tendance. Le site de Saint Chaptes-Blauzac, suivi depuis plus de 20 ans, voit en effet ses effectifs d'outardes fluctuer d'une année à l'autre sans, en tout cas, être supérieurs à ce qu'ils étaient dans les années 1980 (R. Nozerand, comm. pers.).
Dans l'Hérault, l'évolution des effectifs depuis 1979 n'est pas connue des naturalistes mais semble s’apparenter, dans ses grandes lignes, à celle du département voisin. Les données de l’enquête de 1995-96 ne signent pas un déclin brutal du nombre de mâles chanteurs. Si quelques sites ont disparu, ces derniers n’étaient fréquentés que par des mâles isolés ou des populations de moins de 4 mâles chanteurs. A l’échelle du département, la population paraît stable avec des fluctuations, certains secteurs restant bien occupés par l’espèce, d’autres variant de façon importante. En revanche, l’espèce a disparu de la partie héraultaise du causse du Larzac. Pour les 7 sites encore occupés par l'outarde, 3 regroupent au moins 10 oiseaux (Beaulieu, Campagne, Pignan) ce qui les place comme sites prioritaires pour la mise en place de mesures de conservation de l’outarde en Hérault. Il existe un gradient d’abondance allant de l’ouest vers l’est du département.
Toutefois, les mouvements des oiseaux du département au long du cycle annuel (les effectifs en hivernage dépassent largement les populations nicheuses connues des environs) demeurent encore une énigme.
En Lozère, un à deux males chanteurs étaient signalés sur les Causses Méjean et Sauveterre en 1995-96 mais ils ont disparu par la suite.
Dans l'Aude, aucune outarde n’avait été observée pendant l'enquête 1995-96. Le dernier cas de nidification connu dans ce département remonterait à 1993, sur la commune de Boutenac dans les Basses Corbières (a. jonard, in jolivet, 1997). Deux mâles chanteurs ont cependant été de nouveau observés en 1999 dans la plaine d'Ouveillan, dans des parcours à moutons (jonard, comm. pers.).
4.2.3 Plaines céréalières
Le premier Atlas National des Oiseaux Nicheurs de France (yeatman, 1976) fait état d'une distribution continue des plaines du Poitou-Charentes et des Pays de la Loire à la Champagne-Ardenne, en passant par la région Centre, l'Ile de France et la Bourgogne. L'outarde était également bien représentée en Auvergne (plaine de la Limagne) et quelques populations isolées apparaissaient en Alsace, Picardie, Rhône-Alpes et Aquitaine. L’enquête nationale de 1980 donne une répartition sensiblement identique à l’atlas de yeatman. En revanche, pour la période 1985-1989, les données des observateurs montrent que l'espèce accuse une régression marquée et que des extinctions locales se produisent : Alsace et plaine du Forez (disparition de l'outarde en 1985), Limagne, Bourgogne et Franche-Comté (disparition de l'espèce en 1990). Les enquêtes de 1995 et 2000 confirment ce déclin catastrophique. L'outarde a disparu d'Alsace, de Bourgogne, d'Ile de France et de Franche-Comté. La situation est extrêmement alarmante en Aquitaine, Champagne-Ardenne, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées : dans chacune de ces régions, les effectifs d’outardes sont inférieurs à 15 mâles chanteurs.
Dans la région Aquitaine, l'outarde n'est présente que dans le département de la Dordogne, dans les plaines du Verteillacois, en limite de la Charente. La population est stable de 1995 à 2000, avec cependant de fortes variations inter-annuelles (jusqu'à 7 mâles et 4 nids découverts en 1998 !).
En Alsace, l'outarde a disparu depuis 1986 de la plaine de la Hardt (Haut-Rhin), le seul secteur qu'elle occupait (ceoa, 1989).
En Auvergne, l'évolution de l'espèce est catastrophique depuis les 20 dernières années. Tous les ornithologues sont convaincus de la disparition de l'outarde dans cette région en tant que reproductrice, depuis le début des années 1990. Pour mémoire, la population de la Limagne (Allier et Puy-de-Dôme) atteignait 100 mâles chanteurs en 1977-1978 (jolivet, 1997). Dans l’Allier, un mâle chanteur a cependant été observé en 1995 et 1996 sur la commune de Saint-Pont (boutin, 1999).
En Bourgogne, les départements de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l'Yonne n'ont donné lieu à aucune découverte d'outarde pendant la période de reproduction 1995. L'enquête 2000 n'a pas été suivie. En Saône-et-Loire, l'espèce a disparu en 1990. Dans la Nièvre, la population de la plaine de Donzy et du secteur de la Charité-sur-Loire qui comptait 30 mâles chanteurs en 1982-1986 (BOISSON, in litt.), avait totalement disparu 10 ans plus tard.
Dans la région Centre, les populations des régions du nord de la Loire étaient quasiment éteintes en 1995 (plaine de Beauce en Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret). En 2000, plusieurs populations isolées regroupaient au total une soixantaine de mâles chanteurs. Le déclin est de l’ordre de 20% par rapport à la fourchette d’effectif régionale de 1995 (75 - 78 mâles). La régression catastrophique des effectifs et la contraction de l'aire de distribution de l'espèce dans cette région s'est aggravée. Les noyaux de populations de deux territoires (la Champeigne tourangelle (8 000 ha, Indre-et-Loire) et le secteur de Chabris/La Chapelle-Montmartin (8 000 ha, Indre et Loir-et-Cher) sont les seuls à rester stables. Partout ailleurs dans les plaines céréalières intensives de la région, le déclin s’est fortement aggravé, principalement dans le canton des Aix d’Angillon dans le Cher, où le déclin atteint 60 % en 4 ans.
La région Champagne-Ardenne, autrefois réputée pour sa forte population d’outardes, ne représentait plus en 1995 que 1% de l'effectif national d'outardes (13 à 20 mâles chanteurs). En 2000, l'enquête n'a pas été suivie, les ornithologues champenois considérant l'outarde comme quasiment éteinte dans leur région.
En Franche-Comté, l'outarde a niché uniquement dans le Jura, dans la plaine de Bletterans. La petite population qui s'y était développée au début des années 1980 a suivi le même schéma d'évolution que ses proches voisines de Saône-et-Loire et d'Alsace : disparition complète avant 1990.
en Midi-Pyrénées, l’Outarde canepetière n’est présente qu’en Aveyron, sur la partie nord-ouest du Causse du Larzac. Les effectifs sont faibles, de l'ordre de 5 à 10 mâles chanteurs, situés sur quatre communes, dans le territoire du Parc Naturel Régional des Grands Causses.
En Rhône-Alpes, l’Outarde canepetière est un oiseau presque disparu. Il restait un mâle chanteur en 1995 à Ambérieu en Buget, dans l’Ain, avec une donnée de reproduction certaine (a. bernard, comm. pers). En 1996, un seul mâle a été recensé, mais sans qu’aucune présence de femelle ne soit mentionnée. 2 mâles étaient présents sur l'aérodrome de Pierrelatte dans la Drôme en 1995, aucun en 1996 et 2 en 2001 (olioso, comm.pers). Dans la Loire, l’espèce a disparu depuis 1983 en tant que nicheuse de la grande Plaine du Forez (p. rimbert, in jolivet, 1997a). En 2000, l'enquête n'a pas été suivie en Rhône-Alpes.
En Ile-de-France, région où l’espèce était qualifiée de commune au siècle dernier, l'outarde a disparu depuis 1995 de ses derniers bastions du sud de l'Essonne (cantons d'Etampes et de Méréville). Toutefois, des informations très récentes concernent la présence de mâles d’outarde en Seine-et-Marne, sur trois sites, réguliers depuis 1997 (m. combrexelle, comm. pers.) sans qu’aucune preuve de nidification n’ait été apportée.
En Pays de Loire, seuls deux départements accueillent l’Outarde canepetière : le Maine-et-Loire et la Vendée, dans des sites en bordure du Poitou-Charentes. Ces deux départements ont connu un déclin spectaculaire de leurs populations d'outardes (70 à 95%) sur la période 1980 - 1995. La situation de l’espèce est aussi alarmante qu’en région Centre pour les plaines calcaires du sud Vendée, avec 42 à 50 % de diminution en 4 ans (4 - 6 mâles en 2000). L’outarde est au bord de l’extinction dans ce département. En Maine-et-Loire, 16 mâles chanteurs ont été comptés en 2000, soit un déclin de 20 % depuis 1995.
En Poitou-Charentes, l'enquête a été particulièrement bien suivie en 2000 dans le cadre du programme LIFE Outarde. Cette région, avec 409 mâles chanteurs recensés, regroupe 80% des effectifs français d'outardes en plaine cultivée. Elle se situe au 2ème rang national pour l’importance des populations d’outardes, juste derrière Provence-Alpes-Côtes d’Azur. Même s’il reste difficile à chiffrer en l’état actuel de nos connaissances, le déclin des populations d’outardes en Poitou-Charentes s’est poursuivi depuis 1995-96, se traduisant par une diminution d’effectifs (flagrante en Deux-Sèvres) et un morcellement des populations (cf annexe 2). Ce phénomène est nettement marqué dans l’est de la Charente-Maritime et atteint maintenant le cœur de la population dans le sud des Deux-Sèvres et le nord de la Charente, qui représente 260 mâles chanteurs. Une population importante semble se maintenir dans le tiers nord de la Vienne et le long de la limite avec le nord Deux-Sèvres (150 mâles chanteurs). Cependant, l’extinction de nombreuses petites populations a aggravé l’isolement des outardes du nord de la Vienne.
Par ailleurs, un rassemblement post-nuptial, situé dans la plaine de Niort-Brioux, est bien suivi depuis 1978 par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage et le CNRS de Chizé. L’effectif maximum en rassemblement a atteint 650 outardes à l’automne 1981. La diminution des effectifs depuis les 20 dernières années confirme le déclin de l’outarde et l’aggravation du processus depuis 1996 : de 200 outardes cette année-là, le nombre d’oiseaux a chuté à 65 en 2000 (cf annexe 3).
L’évolution des effectifs d’outardes, par département, semble se caractériser par deux tendances opposées :
5. Statut de conservation
5.1 Aux plans mondial et européen
Au niveau mondial, l’Outarde canepetière n’est pas considérée comme globalement menacée mais comme potentiellement vulnérable (stattersfield, 2000). La population mondiale est impossible à chiffrer avec précisions, bien que des estimations aient été publiées ici ou là. Cependant, rien que pour l’Espagne, des chiffres de 50-70 000 mâles ont d’abord été annoncés (tucker & heath 1994), puis 100 000 mâles (martinez & de juana 1998), puis 200 000 mâles (Heath, 2000). Une telle augmentation d’effectif est fortement improbable, puisque plusieurs populations espagnoles sont en déclin prononcé. Or l’Espagne, même en utilisant une fourchette de population minimale, accueille 75% des effectifs européens (10 000 – 20 000 au Portugal, 4 000 – 5 000 en France, 2000 – 2500 en Italie, 18 000 – 20 000 en Russie et 20 000 au Kazakhstan). Il est donc plus prudent pour l’instant de ne pas statuer sur le niveau de vulnérabilité de l’espèce au niveau mondial ou européen faute d’éléments précis. On peut cependant noter que le déclin est constaté dans plusieurs pays avec une régression massive en Russie et l’extinction en Ukraine. L’espèce a disparu comme nicheuse dans les pays d’Europe centrale et orientale dans la première moitié du 20ème siècle. Elle était autrefois abondante en Algérie et en Tunisie mais n’est maintenant probablement qu’un hivernant occasionnel.
5.2 France
Dans notre pays, l'outarde canepetière est classé comme espèce en danger (jolivet, 1999) pour sa population nicheuse. Elle fait partie des 7 espèces en danger méritant une attention particulière pour sa conservation (CMAP 1).
6. Aspects de la biologie et de l'écologie intervenant dans la conservation
L’essentiel des connaissances récentes sur la biologie de reproduction de l’outarde provient de données issues du programme LIFE Outarde, et en particulier d’études menées dans le Sud des Deux-Sèvres, auxquelles s’ajoutent des données obtenues en Crau et dans l’Indre. Une grande partie de ces données sont publiées, ou en cours de publication (Arroyo & Bretagnolle 1999, Jiguet et al. 1998, 2000, Jiguet & Bretagnolle sous presse, Jiguet et al. sous presse, Jiguet sous presse, Jiguet 2001, Wolff et al. 2001, Lett et al. 2000, Lett 1999, Morales et al. 2001). Des données générales sur la biologie sont également disponibles dans Cramp and Simmons (1980) et Boutin & métais (1994).
6.1 Sélection de l’habitat (en période de reproduction)
La particularité principale de l’outarde en terme d’habitat réside dans le fait que les mâles et les femelles présentent des contraintes écologiques différentes, parfois même opposées. Ceci est dû principalement au système de reproduction de l’espèce, rare chez les oiseaux, qui repose sur un système d’appariement de type « lek éclaté » (dans lequel les mâles sont agrégés, et défendent de petits territoires, de l’ordre de 10 à 15 hectares en superficie), au moins dans la plupart des populations. Les femelles visitent les leks uniquement à des fins de copulation, puisqu’elles assureront ensuite à elle seules l’incubation puis l’élevage des jeunes. Ainsi, du point de vue des mâles, il s’agit d’attirer le plus de femelles possible, tout en écartant les mâles rivaux. L’habitat sélectionné par les mâles est de type ouvert. L’habitat de prédilection des femelles doit permettre au contraire de camoufler le nid, puis d’élever les poussins : elles recherchent donc à la fois protection et disponibilités alimentaires élevées, notamment en insectes. Ces contraintes opposées sont le plus manifestes dans l’habitat céréalier, dans lequel les mâles sélectionnent typiquement les cultures rases (labours, semis, chemins etc.) au moins pendant les parades (typiquement, tôt le matin et tard le soir), alors que les femelles recherchent les couverts de types prairiaux, hauts, et riches en insectes. Ces particularités d’habitats évoluent cependant au cours de la saison, non seulement car les exigences des oiseaux changent graduellement, mais aussi parce que l’assolement évolue (la hauteur des cultures augmente, certaines sont fauchées etc.). Il en résulte finalement, qu’en milieu céréalier, l’habitat optimal est un assolement varié, où les parcelles sont agencées en mosaïque. En milieu steppique (Crau), cette hétérogénéité est également recherchée, par exemple à travers un habitat préférentiel constitué de parcours d’élevage et de milieux cultivés de manière extensive.
6.2 Reproduction
Entre 1997 et 2000, environ 75% des femelles des sites LIFE de plaine céréalière se sont reproduites (n=235), ce qui est une valeur minimale puisque tous les nids (ou familles) n’ont pas nécessairement été trouvés. La ponte contient le plus souvent trois œufs, parfois quatre, pondus à un ou deux jours d’intervalle. Les œufs sont vert olive, parfois tachetés. Leur coloration est assez peu cryptique dans l’ensemble, mais la femelle camoufle souvent son nid avec de la végétation ou en l’établissant au pied d’une touffe. 60% des pontes (n=84) ont été localisées dans des couverts dominés par les graminées contre seulement 20% dans des couverts contenant majoritairement des légumineuses. Cependant, ces proportions peuvent fortement varier d’un site à l’autre ou selon les années : par exemple dans le Sud des Deux-Sèvres en 2001, les 11 nids découverts se situaient dans des Luzernes, alors que cette culture abritait moins de 50% des nids les trois années précédentes sur ce même site. En ce qui concerne l’âge des couverts, on constate en milieu céréalier une très forte sélection vers des couverts pérennes (âgés de plus d’un an), et une sélection semble s’opérer également en fonction de la taille des parcelles, puisque les parcelles de pontes sont majoritairement des parcelles de petite taille (environ 3 ha). Cependant, à l’instar de la phénologie de ponte, l’outarde fait preuve d’une très grande plasticité comportementale. En Poitou-Charentes, les pontes sont très étalées, de mai à août (cf annexe 4). Cependant, 75% des pontes sont déposées entre le 1er juin et le 10 Juillet (n=84). Les pontes de remplacement sont semble-t-il peu fréquentes en plaine céréalière (deux cas enregistrés sur 21 femelles équipées d’émetteurs) alors qu’elles semblent plus fréquentes en Crau (3 cas sur 10). Il est difficile de dire si les dates de ponte diffèrent selon les régions mais il semblerait qu’il existe une phénologie différente selon la latitude (les pontes sont plus précoces et plus synchrones en Crau) et le milieu (les pontes sont plus précoces dans les sites constitués majoritairement de prairies, ce qui pourrait être du à une disponibilité alimentaire en insectes plus élevée, tôt en saison). Enfin, certaines années sont plus tardives que d’autres, reflétant là encore probablement des différences en termes de disponibilités alimentaires selon les printemps. Les femelles d’outarde se reproduisent dès la première année (75% des femelles équipées d’émetteur dans leur premier hiver se sont reproduites dès la saison suivante). Les mâles se reproduisent (i.e., paradent) à l'âge de deux ans. L’incubation dure 21 jours et débute probablement à la ponte du dernier œuf car les éclosions sont quasi simultanées. Les poussins sont précoces et nidifuges, et la femelle peut les éloigner du nid dans les 24 heures suivant l’éclosion en cas de dérangement ou de danger. Les familles peuvent aussi gagner rapidement des zones relativement éloignées du nid si les disponibilités alimentaires sont restreintes sur le site de nidification. Les poussins sont capables de voler dès l’âge de 20 jours (au moins sur de courtes distances), et deviennent indépendants vers 45-55 jours et gagnent les sites de rassemblement en fin de saison de reproduction.
6.3 Alimentation
Les adultes se nourrissent principalement de feuilles mais aussi d’invertébrés quand ces derniers sont disponibles. Les poussins consomment exclusivement des invertébrés jusqu’à l’âge de trois semaines, avant de diversifier leur alimentation par des végétaux. Sur le plan quantitatif, des données obtenues à partir d’élevage en captivité au CNRS de Chizé indiquent que les poussins consomment en moyenne 30 à 50 grillons par jour.
6.4 Dynamique de population
Le succès à l’éclosion est variable selon les régions et la période de l’année. En Poitou-Charentes, 50% des pontes (n=84) en moyenne sont détruites par les travaux agricoles, auxquels s’ajoutent 13% d’abandons (dont certains sont issus de dérangements lors des travaux agricoles) et 12% liés à la prédation. De plus, le taux de survie des poussins jusqu’à l’âge de 30 jours (moitié de la taille adulte) est de moins de 50%. Sur la base de 101 œufs pondus dont on a pu suivre précisément le devenir, seuls 19 poussins ont atteint l’age de 30 jours : en plaine céréalière, entre 1997 et 2000, le succès reproducteur a donc été particulièrement faible. Aucune donnée n’est disponible en ce qui concerne la dispersion adulte ou juvénile et la structure d’âge des populations. Cependant, un mâle capturé dans l’Indre a été retrouvé au cours de la même saison dans les Deux-Sèvres (Lett 1999). Pour ce qui est de la mortalité, les premiers éléments obtenus à partir des oiseaux équipés d’émetteurs semblent indiquer une survie adulte de l’ordre de 75%, voire un peu moins. Il existe aussi des cas rapportés de collision avec des lignes électriques (11 cas depuis 1995 dans 5 départements, alors qu’aucune recherche systématique n’a été entreprise ; 3 cas en Crau dans le cadre d'une recherche systématique sous 500 km de lignes en 5 ans). Par ailleurs, la prédation existe aussi sur les adultes (deux cas recensés).
A la suite des travaux agricoles, des nids ou des poussins d'outardes peuvent être récupérés par les ornithologues ou les agriculteurs eux-mêmes. Entre 1997 et 1999, un centre de soins a été mis en place au CNRS de Chizé afin de disposer d'un centre de sauvetage qui permette de placer les œufs en couveuse pour les faire éclore, puis d'élever les jeunes privés de leur mère dans des conditions permettant leur relâcher dans des groupes postnuptiaux d'outardes (fin août et septembre). Cette solution a été expérimentée par le CNRS de Chizé (qui a bénéficié d'un soutien financier de la LPO) avec 2 poussins relâchés en 1997, 9 en 1998 et 5 en 1999. Les œufs ou les poussins provenaient des Deux-Sèvres, de Vienne, d'Indre-et-Loire, de Maine-et-Loire ou de Crau et ont été récupérés après des travaux agricoles dans des prairies de fauche, des ray-grass, des luzernières âgées, une bordure de chemin ou des jachères. Sur les 16 poussins relâchés, 2 sont morts (prédation et tir à la chasse) et 1 a été relâché un an plus tard. Au vu des résultats obtenus de 1997 à 1999, on peut considérer que les techniques d'élevage et de lâcher sont maîtrisées et permettent de produire des oiseaux qui s'intègrent correctement aux groupes d'outardes. Le retour en 1999, puis en 2000 et 2001 d'un mâle élevé en captivité en 1998 constitue un résultat prometteur pour envisager le renforcement de populations par des oiseaux issus de l'élevage. Une femelle a également été retrouvée en 2000.
6.5 Migration, rassemblement post nuptiaux et données d’hivernage
Les populations des plaines céréalières sont migratrices alors que celles habitant le pourtour méditerranéen français sont apparemment sédentaires. Les populations migratrices arrivent sur les lieux de reproduction dès la première quinzaine de mars pour les mâles et fin mars pour les femelles. Les oiseaux repartent vers leurs lieux d’hivernage entre octobre et novembre. A partir de juillet, les mâles se regroupent pour muer. Les femelles, parfois accompagnées de leurs jeunes, les rejoignent progressivement dans le courant de l’été. Les outardes forment alors de petits groupes qui se réunissent au début de septembre sur des sites traditionnels de plus grande importance. Elles y restent jusqu’à mi-octobre (début novembre sur certains sites) puis partent vers leurs quartiers d’hivernage. Le nombre d’oiseaux présents sur les différentes zones de rassemblement automnal et le nombre de jeunes dans les groupes donnent deux critères pertinents sur l’état de santé de la population d’outardes.
6.5.1. Outarde des plaines céréalières La recherche des zones d’hivernage des outardes migratrices a été effectuée dans le cadre du programme LIFE. Dès la fin 1999, quatre outardes du Poitou-Charentes équipées de balises Argos et d’émetteurs ont été retrouvées en Espagne (cf annexe 5) :
Sur la base de ces résultats, un suivi plus approfondi a été engagé en 2001, fondé sur des prospections aériennes et terrestres. Sur les 17 outardes équipées d’émetteurs VHF en fin de saison de reproduction en 1998, 1999 et 2000, 8 oiseaux nouveaux par rapport aux quatre précédents ont pu être localisés lors des suivis aériens (qui ont permis l’essentiel des découvertes) et terrestres (morales, 2001). Un vaste secteur de plusieurs dizaines de milliers d'hectares sur le plateau de Ciudad Real et Campo de Montiel concentre l’essentiel des oiseaux français (7 sur 8). Ce plateau se caractérise par des cultures de céréales avec un système de jachères âgées très développé. Plusieurs conclusions peuvent être tirées de ce suivi :
Enfin, quelques outardes hivernent en plaine céréalière, comme cela a été prouvé en 1998 et 1999 par le CNRS de Chizé dans la plaine de Niort-Brioux (Deux-Sèvres), par le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres sur la plaine de Thouars et la LPO en Charente-Maritime en 2000. Le nombre d’oiseaux reste cependant faible : de 1 à 7 selon les groupes.
6.5.2 Outardes des zones méditerranéennes françaises
La Crau, avec un effectif de 1600 oiseaux, accueille la majeure partie des effectifs d’outardes hivernant en région méditerranéenne (wolff et al., 2001). Un suivi télémétrique réalisé entre 1998 et 2000 montre que la population hivernante de Crau est composée principalement de la population locale (45% des oiseaux équipés), d’une partie au moins de la population reproductrice du département voisin du Gard (26%), et également d’oiseaux provenant de sites des Bouches-du-Rhône (8%). Une partie importante des outardes hivernantes (environ 20%) reste d’origine indéterminée. L’hypothèse selon laquelle des outardes des régions de grandes cultures du centre-ouest de la France hivernent en Crau ne peut être exclue pour le moment, mais n’a pas non plus été démontrée. Ces résultats soulignent l’importance de la Crau comme site d’accueil pour l’hivernage de l’outarde, non seulement au niveau local mais pour une grande partie de la population méditerranéenne. Les outardes hivernantes se concentrent dans des secteurs caractérisés par une mosaïque de steppe et de cultures. Bien que les outardes passent une grande partie de leur temps sur les grandes parcelles de steppe qui leur offrent une plus grande sécurité, les herbes de printemps, les prairies de fauche et les jeunes colzas constituent des sites d’alimentation privilégiés. En Provence-Alpes-Côte-d’Azur, quelques outardes hivernantes sont régulièrement notées sur les aérodromes de la Fare, d’Aix-les-Milles (Bouches-du-Rhône) et de Cuers (Var). En Languedoc-Roussillon, d’autres sites d’hivernage sont connus et suivis et accueillent chaque hiver entre 300 et 400 outardes, réparties sur trois sites majeurs : la Basse Plaine du Vidourle (Gard-Hérault), l’aéroport de Béziers (Hérault) et la Basse Vistrenque (Gard). Dans le Languedoc, deux facteurs principaux conditionnent l’hivernage de l’espèce : l’alimentation et la sécurité. Celle-ci est fortement liée à la pression cynégétique à l’automne. Toutes les populations hivernantes occupent des zones incluant des sites peu ou non chassés, servant de secteur de repli : aéroports de Béziers, de Montpellier, propriété de Terre de Port en Basse Plaine du Vidourle .... La Basse Plaine du Vidourle dans le Gard accueille chaque hiver entre 170 et 210 outardes, soit 52 à 55% des outardes hivernant dans le Gard. Un programme de radio pistage a permis d’équiper trois oiseaux (janvier 2000 et février 2001). Les départs des oiseaux semblent s'effectuer au début d'avril. Toutefois, leur destination n'a pu être formellement établie malgré des recherches systématiques au printemps 2001 dans les Bouches-du-Rhône, le Gard et l'Hérault. Les dates de retour en hivernage sur la Basse Plaine du Vidourle restent pratiquement inconnues. Seul l'oiseau équipé en janvier 2000 permet de donner une indication : il a été retrouvé le 20 décembre 2000, ce qui semble assez tardif par rapport à l'apparition des premières outardes hivernant sur le basse plaine (dernière quinzaine d'octobre). 7. Aspects culturels et économiques
7.1. Aspects culturels
Jusque dans les années 1950-1960, l'outarde était une espèce fortement convoitée et même réputée pour sa valeur gastronomique. La difficulté d'approche des oiseaux lors des rassemblements d'automne en faisait un gibier noble. Au printemps, les mâles faisaient l'objet de captures par piégeage au lacet, avec utilisation d'un jeune mâle empaillé comme leurre. Ces pratiques de braconnage ont disparu avec la protection légale de l'Outarde canepetière. Autrefois, l'outarde était cotée sur les marchés de gros d'Orléans et de Paris (boutin et metais, 1994), ce qui nécessitait un approvisionnement régulier et en quantité. Sa valeur économique était liée à l'usage gastronomique de cet oiseau. Cette valeur de l’oiseau a complètement disparu avec la régression catastrophique des effectifs et la protection légale de l’espèce depuis 1972.
7.2. Aspects économiques
Les mesures de sauvegarde de l’outarde peuvent présenter des impacts économiques – certes réduits par rapport aux flux monétaires de la politique agricole commune (PAC) – mais non négligeables localement et pour certaines formes d'exploitation agricole. Le cas de la Crau est exemplaire à cet égard. C’est un territoire unique en France, mis en valeur par l’élevage ovin transhumant. Face aux menaces qui se sont développées au cours du 20ème siècle, les mesures de sauvegarde mises en place dans la décennie 1990 ont porté sur le milieu naturel typique de la Crau (le coussous) et l’ensemble des espèces qu’il héberge. La démarche a donc été territoriale et les actions mises en œuvre ont injecté des financements publics et privés dans l’économie locale qui ont permis de promouvoir d’autres formes de développement que celles qui conduisaient à la destruction du milieu. Par exemple, le soutien aux éleveurs ovins et aux producteurs de foin, la création d’un Ecomusée de la Crau, la mise en place de programmes LIFE sont autant de moyens économiques fondés sur le principe de la protection et de la valorisation du patrimoine naturel de la Crau. Par exemple, les opérations agro-environnementales concernant les prairies de fauche (62,4 millions de francs versés au total aux agriculteurs de Crau depuis 10 ans) ont contribué à maintenir des pratiques d’élevage et de production de foin directement ou indirectement favorables à l’avifaune steppique.
Dans les régions de plaines céréalières, la situation est différente. La PAC, mise en place en 1960, a provoqué, par les prix garantis et les soutiens financiers élevés à la production des céréales et oléo-protéagineux, la disparition de la polyculture-élevage. En 1999, une région de plaine comme le Poitou-Charentes a reçu 2,6 milliards de francs de paiements compensatoires pour les grandes cultures (agreste, 1999). Devant de tels moyens financiers, la sauvegarde de l'Outarde canepetière, qui dépend du maintien de surfaces enherbées semi-permanentes, est largement compromise. Toutefois, des actions concrètes de protection de l’espèce sur quelques sites, ont été mises en place dans le cadre des mesures agro-environnementales du règlement européen de développement rural (n°1257/99) ou de programmes spécifiques comme LIFE Nature. Les jachères PAC notamment sont intéressantes car elles s'adressent potentiellement à de nombreux agriculteurs en grandes cultures et peuvent concerner une part non négligeable de l'exploitation (jusqu'à 10% de la Surface Agricole Utile). Mal perçues par les agriculteurs car obligatoires et situées hors production, les jachères PAC peuvent être facilement valorisées financièrement par l'application de mesures favorables à l'outarde, dans le cadre des jachères environnement et faune sauvage (ministere de l'agriculture, 1996) : une aide supplémentaire de 400 à 700 F/ha/an peut être apportée par rapport à une jachère classique. Les actions en faveur de l'outarde peuvent également contribuer à conforter le revenu d'exploitants en polyculture-élevage, en apportant des aides liées aux parcelles en herbage, exclues des paiements compensatoires agricoles.
Enfin, la présence de l'Outarde canepetière peut constituer, dans les nouvelles politiques agricole et rurale définies dans le règlement européen de développement rural et la loi d’orientation agricole française, un atout pour certains territoires. L'outarde, eu égard aux critères de rareté et de vulnérabilité utilisés par les scientifiques, est un oiseau qui mérite une attention particulière. Elle peut permettre de mobiliser des fonds spécifiques (LIFE Nature, fonds agro-environnementaux des Contrats Territoriaux d'Exploitation, Fonds de Gestion des Milieux Naturels prévus pour le réseau Natura 2000…) qui peuvent contribuer à la gestion du territoire, à l'activité économique et au développement local en associant les populations (élus, agriculteurs, chasseurs, naturalistes…).
8. Menaces et facteurs limitants
Le déclin spectaculaire des populations d’outardes provient d’une conjugaison de facteurs ou de menaces qui reposent directement sur :
8.1. Identification des menaces Les menaces actives concernant l’outarde peuvent être classées en 6 grandes catégories : 1. intensification de l’agriculture, 2. déprise agricole, 3. infrastructures linéaires, 4. urbanisation, 5. prédation, 6. dérangements.
Tableau 3 : Classement des menaces pour l’Outarde canepetière par ordre d’importance et par types d’habitats
1 ++ pour un site (Indre)
Légende du tableau H : dégradation /destruction mosaïque d’habitats / RA : réduction des ressources alimentaires / M : mortalité directe d’outardes +++ : Menace très forte (peut entraîner un risque d’extinction >50% en 25-50 ans) ++ : Menace forte + : Menace faible (ne conduit pas à l’extinction des populations mais aggrave la situation lorsqu’elle se combine à d’autres menaces) ? : Menace non renseignée 0 : Pas de menace actuellement
Dans les plaines céréalières, les menaces très fortes pour l’outarde concernent l’intensification de l’agriculture. En Crau, l’outarde n’est, à court terme, pas menacée de disparition. En revanche, le maintien des milieux utilisés par l’outarde repose sur un équilibre extrêmement fragile, dépendant de l’avenir économique de l’élevage ovin et de la production de foin. Si l’élevage s’effondre, c’est le biotope unique de la Crau qui disparaît. Dans les plaines du Languedoc et les autres sites méditerranéens, les menaces sont globalement identiques à celles des plaines céréalières, quoique d’un degré moindre pour l’intensification de l’agriculture. Cependant, la déprise agricole, les infrastructures linéaires et l’urbanisation constituent des menaces fortes pour l’outarde.
8.2. Intensification de l'agriculture
En France, 62% du territoire national est utilisé à des fins agricoles, les terres arables en constituant 45% (ifen, 1999). Le paysage agricole est dominant dans notre pays et, comme dans le reste de l’Europe, il a été profondément bouleversé dans les 40 dernières années. Ainsi, en nombre d’espèces menacées, les paysages agricoles se placent au 2ème rang parmi 15 milieux identifiés (Rocamora et Berthelot, 1999). En Europe, les milieux agricoles sont au premier rang des espaces pour la proportion d’espèces à statut de conservation défavorable (tucker, 1997).
L’intensification de l’agriculture, qui consiste à produire plus de matières premières par unité de surface cultivée, se traduit par la simplification des systèmes de production, avec séparation entre productions animales et végétales. L’intensification de l’agriculture engendre potentiellement cinq menaces spécifiques pour l’Outarde canepetière :
En France, la surface en prairies a été réduite de 25% de 1970 à 1996, du fait de l'intensification agricole, de l’instauration des quotas laitiers, ou encore de l'évolution du prix des céréales (IFEN, 1996), Dans les plaines cultivées, le recul des systèmes de polyculture–élevage en faveur des systèmes céréaliers spécialisés avec cultures à rotation annuelle, a provoqué la disparition de surfaces importantes de milieux pérennes ou semi-pérennes : luzernières, prairies de fauche, pâturages, parcours à moutons, friches herbacées. Ces milieux stables sur plusieurs années jouent un rôle essentiel dans la structuration du paysage agricole et donc sur la qualité des territoires des mâles d’outardes. En outre, ils constituent des réservoirs pour les invertébrés (coléoptères, orthoptères…) nécessaires à la survie des poussins d’outardes. Leur disparition du paysage agricole représente une dégradation importante de l’habitat de l’outarde dans les plaines cultivées et les sites méditerranéens hors Crau. Dans les plaines céréalières, le développement de nouvelles cultures (colza industriel, melon…) constitue une menace forte pour l’outarde tout comme ce fut le cas en Costières (Gard) dans les années 1960. En Crau, près de 50% des mâles chanteurs sont localisés en dehors de la Zone de Protection Spéciale (ZPS), principalement sur des friches pâturées, des jachères et des « herbes de printemps » (céréales et légumineuses non irriguées, semées pures ou en mélanges et pâturées sur pied). Ces surfaces non protégées s’amenuisent progressivement sous la pression du développement urbain, industriel et agricole. Au cours des années 1990, près de 1 000 ha de milieux agricoles extensifs non protégés ont été reconvertis. Ce facteur constitue vraisemblablement le plus grand risque à court terme de réduction de l’effectif d’outardes en Crau. Le pastoralisme extensif et la production de foin de Crau sont tous deux économiquement fragiles du fait de leur dépendance face aux subventions agricoles (élevage) et d’un marché en déclin (foin). Les prairies de fauche jouent également un rôle important à la fois dans l’écologie post-nuptiale et hivernale de l’outarde en Crau, mais aussi dans le maintien du cycle pastoral extensif, grâce au gagnage sur regain d’automne. L’effondrement de ces pratiques à plus ou moins long terme n’est pas à exclure, et constitue un risque potentiel majeur pour les outardes de Crau.
La disparition des cultures pérennes ou semi-pérennes, couplée à la réduction des rotations et à l’agrandissement du parcellaire lors des remembrements, a simplifié au maximum l’assolement dans les plaines cultivées. Les ornithologues placent l’agrandissement du parcellaire au premier plan pour expliquer la disparition de l'outarde en Limagne, Alsace, Ile-de-France, Poitou-Charentes, Centre et Champagne-Ardenne. Même si le rythme des remembrements s’est ralenti, les échanges à l’amiable de parcelles entre agriculteurs permettent encore d’agrandir la taille des blocs de culture, se traduisant par un assolement constitué à plus de 80 % par des céréales et des oléo-protéagineux. L’accroissement des blocs de culture simplifie la matrice paysagère par élimination des derniers espaces non productifs : haies, bosquets, chemins et bordures de champs non cultivées, nécessaires aux peuplements d’invertébrés. Pour la Crau et les autres sites méditerranéens, l’agrandissement du parcellaire reste une menace faible.
L’utilisation des intrants (eau d'irrigation, pesticides, engrais) est liée au degré d’intensification des systèmes agricoles. Cette menace touche particulièrement les outardes en plaine cultivée mais elle est potentiellement forte pour les sites méditerranéens, notamment ceux présentant un taux élevé de vignes et de céréales dans leur assolement (Var, Hérault, Gard). Pour la Crau, la menace reste faible. Les engrais chimiques ont permis aux agriculteurs d’optimiser le rendement économique des cultures annuelles, même sur des sols traditionnellement pauvres, qui avaient vocation à la polyculture-élevage (Champagne-Ardenne, Poitou-Charentes, Pays de la Loire). L’utilisation des insecticides, fongicides et herbicides a connu des variations sur la période 1988 – 1995. Avec 100 000 tonnes de matières actives utilisées en 1988 et 90 000 en 1995, la consommation est en légère diminution (ifen, 1997-98) . Les insecticides réduisent les ressources alimentaires des outardes en éliminant une partie de leurs espèces proies. Les herbicides constituent également une menace car ils sont utilisés pour détruire les espèces végétales adventices. Or, ces dernières sont directement consommées par l’outarde et accueillent en outre de nombreux invertébrés. La mortalité directe par ingestion de pesticides n’est pas démontrée pour l’outarde, alors que des preuves existent pour les perdrix (campbell & cooke, 1997). Par ailleurs, l’application d’anti-limaces sur les pousses de colza en hiver peut être néfaste pour les outardes qui affectionnent particulièrement cette culture pour l’alimentation hivernale dans le Gard et en Crau. Enfin, le développement de l’irrigation représente une menace importante pour l’outarde, en plaine cultivée comme dans les sites méditerranéens. L’eau est en effet le facteur limitant l’extension de certaines cultures intensives (maïs). Les surfaces irriguées ont été multipliées par 3 depuis 1970 (ifen, 1997-98). Ce phénomène a contribué au déclin de l’outarde d’une part en permettant le développement de cultures défavorables à l’espèce et d’autre part en dérangeant les oiseaux (gêne des mâles en parade, submersion des nids dans les parcelles pouvant être utilisées par les femelles….). L’irrigation est signalée comme cause aggravante de déclin en Limagne, Deux-Sèvres et Vienne (Jolivet, 1997b). Les conséquences de l’irrigation sont plus nuancées en Crau, puisque la mise en place du système d’irrigation par gravité a permis le développement de la mosaïque de steppe et de cultures qui semble avoir favorisé la colonisation de la plaine par les outardes. L’irrigation gravitaire est indispensable à la production de foin, favorisant indirectement le maintien du pastoralisme extensif qui repose sur une utilisation des prairies en hiver. Néanmoins, le développement de techniques d’irrigation par pompage direct dans la nappe a accéléré le développement de l’arboriculture intensive et du maraîchage sous serre, activités destructrices du milieu de vie de l’outarde.
Cette menace est très forte dans les plaines céréalières, forte dans les sites languedociens et touchent la gestion des parcelles fourragères (luzernières, ray-grass, prairies, trèfle…) et des jachères PAC.
Les fourrages Le nombre de coupes sur un fourrage peut varier de 3 à 4 sur la période s ‘étalant de mi-avril à fin juillet, selon la nature et l'âge du couvert végétal (graminées, légumineuses), les conditions météorologiques… La deuxième fauche sur les luzernières et les ray-grass survient dans la deuxième quinzaine de juin, ce qui constitue une menace très forte pour le nid lui-même, parfois les femelles et les jeunes outardes qui se tapissent au sol en cas de danger. Des cas de destruction de nids ou de femelles sont rapportés en Auvergne, Maine-et-Loire, Indre, Deux-Sèvres, Charente, Dordogne, Indre-et-Loire, Vaucluse et Gard. Dans ce dernier département, 8 cas de destruction de nichées d’outardes lors des fauches et des moissons sont signalés depuis 1997. En outre, les femelles accompagnées de jeunes semblent rechercher des parcelles avec une végétation assez haute (50 cm) et riches en Arthropodes (lett, 1999). Les parcelles soumises à des fauches fréquentes sont moins riches en invertébrés, ce qui oblige les femelles d’outardes à parcourir de plus longues distances avec leurs jeunes pour les nourrir. La conséquence en est un accroissement des risques de mortalité des poussins par prédation ou épuisement. Enfin, la rapidité des opérations et la concentration des fauches sur une période très courte (une semaine) prive brusquement les nichées de l'élément essentiel de leur habitat. Pour mémoire, l'impact négatif des coupes de luzerne sur les femelles nicheuses et les familles d’Outardes canepetières et de Perdrix grises a été prouvé dès la fin des années 1970 dans les plaines d'Ile-de-France et de Champagne-Ardenne (barbier, 1979).
Les jachères Apparues avec la réforme de la Politique Agricole Commune en 1992, les jachères constituent souvent, pour beaucoup de sites à outardes, les seuls milieux herbacés favorables à l’espèce. Les couverts végétaux spontanés ou semés par les agriculteurs peuvent être suffisamment attractifs pour que les femelles y installent leur nid. Sur les jachères, aucune production agricole n’est autorisée. Il n’y a donc pas de récolte. Toutefois, dans de nombreux départements, l’entretien est obligatoire pour éviter la montée à graines du couvert et de certaines plantes adventices. Sur des sites où aucune action d’information des agriculteurs n’a lieu, les entretiens sont effectués entre mi-mai et fin juin, en pleine période de reproduction de l’outarde. Les jachères représentent alors un piège pour l’outarde et les autres oiseaux nichant au sol (Caille des blés, Perdrix grise…). Des cas de destruction de nichées dans des jachères ont été signalés dans de nombreux départements : Maine-et-Loire, Charente, Deux-Sèvres, Dordogne, Crau, Gard, Hérault… Les entretiens s’opèrent par broyage de la végétation (mécanique) ou par traitement total ou sélectif (chimique). Cette dernière solution pourrait être une alternative au broyage. Cependant, la destruction chimique du couvert végétal modifie la structure et la nature de la végétation, ce qui affaiblit les peuplements d’invertébrés (coléoptères et orthoptères en particulier). Enfin, un point important est à souligner : lors de l’annonce d’un contrôle par l’Office National Interprofessionnel des Céréales dans une exploitation agricole sur la conformité des déclarations PAC, les agriculteurs détruisent systématiquement le couvert des jachères pour éviter tout risque de pénalité si le couvert est « jugé » mal entretenu par le contrôleur. Les contrôles s’effectuant souvent en mai et juin, cette réaction fait courir des risques supplémentaires à l’outarde (destruction de nids dans de telles circonstances en Maine-et-Loire et Deux-Sèvres).
Les chaumes de céréales et de colza Les céréales et les colzas sont très peu utilisés par l’outarde avant les moissons. Toutefois, après la récolte en première quinzaine de juillet, les chaumes peuvent devenir attractifs, principalement les chaumes de céréales car la germination des graines tombées au sol fait apparaître des feuilles tendres qui attirent les invertébrés. Les chaumes deviennent un lieu de chasse idéal pour les jeunes outardes. Or, les études menées sur les sites LIFE Outarde montrent que les agriculteurs retournent très vite les chaumes après les moissons, ce qui supprime de nombreuses ressources alimentaires potentielles. Dans les plaines cultivées, ces opérations réalisées sur de vastes surfaces dès fin juillet peuvent aggraver la situation pour l’outarde, à une période où commencent les premiers rassemblements post nuptiaux, très dépendants de la disponibilité des ressources alimentaires avant le départ des oiseaux en migration.
Le pâturage La pression de pâturage est l'une des causes de destruction de nichées d'outardes dans l'Alentejo (Portugal) mises en exergue par schulz (1987). La Crau est largement concernée par cette pratique. Dans les plaines céréalières, le pâturage, localisé à quelques sites, ne constitue pas une menace pour l'espèce. En Crau, les destructions de nichées par piétinement sont plus fréquentes sur herbes de printemps que sur friche et steppe, où la pression instantanée de pâturage est plus faible. Les herbes de printemps demeurent toutefois importantes dans l’écologie de l’outarde, notamment en hiver. La définition de charges pastorales maximales dans le cadre des différents types de mesures agro-environnementales, démarche qui sera vraisemblablement reprise pour la gestion de la future Réserve Naturelle, réduit les risques d’augmentation de la pression de pâturage sur de grandes surfaces de steppe. Néanmoins, des modifications qualitatives des parcours techniques restent possibles et potentiellement néfastes. A titre d’exemple, l’abandon du gardiennage libre au profit du clôturage des parcelles pourrait se traduire par une modification de la structuration spatiale de la végétation, avec un risque d’homogénéisation du couvert.
8.3. Déprise agricole
La déprise agricole conduit à la fermeture des milieux favorables à l’outarde à la suite de l’abandon des pratiques de gestion de l’espace agricole. Elle est une menace potentiellement forte dans les sites du Languedoc. Elle reste localisée à quelques sites dans les plaines céréalières : l’Indre et le Loir-et-Cher, l’Eure-et-Loir…
Dans les sites du Languedoc, deux phénomènes d’origine différente aboutissent à des résultats similaires :
L’abandon des parcours à moutons concerne aujourd’hui le site de Saint-Chaptes / Blauzac dans le Gard tandis que le vieillissement de la friche viticole concerne les sites de Beaulieu et de Campagne dans l’Hérault, et dans le Gard, certaines parties du territoire de Costière-Vistrenque. En Crau, bien que cette menace ne soit pas d’actualité, l’abandon du pâturage sur parcours extensifs constitue un risque potentiel majeur pour les outardes, notamment dans la future Réserve Naturelle.
8.4 Infrastructures linéaires
Cette menace regroupe les autoroutes, les TGV et les lignes électriques. Elle reste faible dans les plaines céréalières et la Crau mais est jugée forte sur les sites du Languedoc.
8.4.1 Autoroutes et routes Depuis le début des années 1980, six projets autoroutiers ont donné lieu à des études sur l’impact de la construction d’autoroutes sur les populations d’outardes : plaine du Forez (andré, 1983), plaine de l’Ain (bernard, 1985), plaines des Deux-Sèvres (géréa, 1986 ; gods, 1998), Crau (boutin et al. 1996), causses de l'Aveyron (d’andurain, 1997). La construction de cinq des six autoroutes étudiées a provoqué la disparition de l’outarde. L’étude menée par le GEREA (1986) concluait à un dérangement direct du au passage de l’autoroute (calendrier des travaux coïncidant avec la présence des oiseaux) mais surtout indirect, en raison du remembrement organisé à cette occasion qui a provoqué un doublement de la taille des parcelles et une modification profonde de l’assolement. Les nuisances visuelles et sonores ne doivent pas non plus être sous-estimées. Pour l'étude du GEREA, 77 % de la population du site étudié (2000 ha) a disparu entre 1980 et 1992. Enfin, rappelons que la ZICO LR01 dans l'Aude a perdu sa colonie d’outardes à la suite de la construction de l’autoroute Toulouse-Narbonne. En outre, la construction de routes d’accès aux pôles urbains (liaison A75 Montpellier) et de périphériques aux abords des zones d’extension urbaine risquent de mordre de façon irréversible sur des habitats semi-cultivés favorables aux outardes (ouest de Montpellier dans l’Hérault et abords de Sommières dans le Gard). La construction de l’A54 en Crau, en doublement d’une route nationale, s’est traduite par la disparition de quelques dizaines d’hectares de steppe, qui a fait l’objet de mesures compensatoires dans le cadre du programme LIFE Crau sèche. Les territoires des mâles les plus proches se situent actuellement à environ 250 m de la bordure de l’autoroute. L’impact de la construction sur l’ensemble de la population est globalement faible.
8.4.2 Voies ferrées Deux projets de voie ferrée à grande vitesse (TGV) concernent des populations d’outardes dans la région sud-est de Nîmes (Gard) et au centre du Poitou-Charentes (nord Charente, sud-est Deux-Sèvres). Ces projets menacent directement 80 mâles soit 6% de l’effectif national.
8.4.3 Lignes électriques aériennes Contrairement aux autoroutes, aucune donnée n’existe quant à l’impact des travaux d’installation de lignes électriques aériennes sur l’outarde. En revanche, les câbles électriques une fois installés constituent une cause de mortalité directe des oiseaux dans les plaines cultivées. Depuis 1996, 11 cas de collisions d’outardes ont été répertoriés dans le Maine-et-Loire (1 cas), la Charente (1 cas), les Deux-Sèvres (4 cas), l’Indre (5 cas au moins), sans recherche systématique. En Crau, une recherche systématique (500 km prospectés sur 5 ans) a fait apparaître trois cas de collision (kabouche et bayle, in prep.). Deux catégories de lignes électriques sont en cause : très haute tension et moyenne tension. Pour cette dernière, le développement de l’irrigation contribue à l’extension du réseau moyenne tension (alimentation des pompes électriques) et peut aggraver la menace. En Espagne, le suivi hivernal d’une ligne THT (400 KV) sur la période 1989-1991 a montré que l’Outarde canepetière représentait 4,7 % des oiseaux tués par collision (Boutin et Métais, 1994). Même si ces collisions ne peuvent à elles seules provoquer la disparition d’une population, elles amenuisent potentiellement ses chances de survie, d’autant plus pour une espèce en déclin qui présente des populations de plus en plus faibles, dispersés et sans contact les unes avec les autres.
8.5. Urbanisation Les populations d’outardes des sites méditerranéens proches des grandes villes (Montpellier, Nîmes) mais également des complexes militaires ou industriels (Fos sur Mer) sont menacées par l’extension des surfaces construites. La menace est forte pour la Crau et les sites du Gard et de l’Hérault. Dans les plaines cultivées, l’extension urbaine ou industrielle reste une menace faible. Les ornithologues de la Vienne signalent cependant qu’à Poitiers (Vienne), la construction de complexes tel le Futuroscope a dégradé des espaces agricoles favorables à l’outarde. Les terrains militaires et, par extension, les aérodromes, constituent souvent le dernier refuge pour l'espèce. Ils peuvent jouer un rôle important dans la préservation de l’outarde, notamment en région méditerranéenne. Toutefois, la modification des milieux sur ces terrains particuliers peut constituer une menace potentielle pour l’outarde : abandon du pâturage, bétonnage, incendies pour entraînements militaires…
8.6. Prédation La prédation de femelles nicheuses, de mâles chanteurs, de poussins ou d’oeufs constitue une menace faible pour l’outarde. En Deux-Sèvres, sur 17 oiseaux équipés d'émetteurs en avril 1999, dont une majorité de femelles, deux femelles, soit 11% des oiseaux équipés, ont cependant fait l'objet de prédation avant la mi-mai. Les prédateurs principaux des outardes sont les Corvidés qui s’attaquent aux œufs mis à découvert lors des travaux agricoles et parfois aux femelles (Gard, Maine-et-Loire), les rapaces (Gard, Hérault) et des mammifères (Gard, Deux-Sèvres…). La plupart des individus équipés retrouvés morts en Crau avaient été dévorés par des rapaces ou des carnassiers, sans qu’il soit possible de savoir si la prédation avait eu lieu avant ou après la mort. Plusieurs attaques par des Faucons pèlerins et Aigles de Bonelli ont été notées, ainsi que de nombreuses attaques par des Goélands leucophées seuls ou en groupe. La prédation sur les œufs par les Corvidés a été prouvée en Maine-et-Loire en 2000. En Crau, un minimum de 11 nids sur 49 découverts en 1999 et 2000 ont été victimes de prédation, soit 22 % (Wolff in prep.). Les Corvidés (pies, corneilles) sont très abondants dans les secteurs les plus morcelés de la Crau, et il a été montré qu’ils étaient responsables de la plus grande partie des actes de prédation sur nids artificiels. Les autres prédateurs potentiels sont représentés par les goélands, les chiens, les renards et les Mustélidés.
8.7. Dérangements On peut distinguer plusieurs causes de dérangements, liées à des activités de loisirs : chasse et ornithologie sont les plus citées mais parfois, la pratique de l'ULM sur des sites à outardes peut intervenir également.
8.7.1. Chasse L’outarde n’est pratiquement pas concernée par la chasse sur ses lieux de reproduction en plaine. Cependant, quelques oiseaux peuvent faire l'objet de tirs. Une donnée de femelle d’outarde, provenant du centre de sauvegarde de la faune sauvage de Millau, se rapporte à une outarde morte le 21 septembre 2000 d’une hémorragie interne suite à un tir au fusil (y. corroy, comm. pers.). L’activité cynégétique en plaine céréalière en automne provoque l’envol des groupes d’outardes qui se rassemblent, quand les cultures sont attractives, dans les réserves de chasse. Pour les sites du Languedoc, 3 cas de tir dans le Gard à l’ouverture de la chasse et un cas dans l’Hérault ont été rapporté depuis 1997. L'étude de l'hivernage en Basse Plaine du Vidourle a clairement mis en évidence que les outardes fréquentent les parcelles les moins dérangées, notamment par l'activité de chasse. Elles n'hésitent pas à déserter les parcelles les plus attractives si les conditions de tranquillité ne sont plus présentes suite à l'ouverture de la chasse. Les aéroports et aérodromes, non chassés, constituent souvent des refuges pour les outardes hivernant dans le sud de la France.
8.7.2 Ecotourisme La rareté de l’outarde conduit de nombreux ornithologues à circuler en période de parade des mâles sur certains sites faciles d’accès (Maine-et-Loire, Indre, Deux-Sèvres), ce qui provoque des dérangements de mâles et peut nuire à la reproduction. Le même constat peut être fait pour certaines zones de rassemblement postnuptial d'outardes, qui peuvent attirer des ornithologues dans les plaines en automne. La photographie animalière n'est cependant pas citée comme une source de dérangement.
9. Actions de conservation déjà réalisées
En France, les actions de sauvegarde des habitats de l’outarde s’appliquent en Crau (Bouches-du-Rhône) depuis le début des années 1990. Dans les plaines cultivées, elles sont plus récentes (1994 pour les premières) et ont pris de l’ampleur à partir de 1997. En Crau, les mesures sont diversifiées et appliquées dans le cadre d’une démarche territoriale. Elles s’appuient sur trois moyens :
En plaine cultivée, elles restent limitées à des contrats signés avec les agriculteurs dans le cadre d’opérations de protection de l’espèce. Dans les autres sites de Provence et du Languedoc, aucune action de conservation n’a jusqu’à présent été mise en place. A la fin 2000, aucune Outarde canepetière n’est protégée par le réseau des réserves naturelles. De la même façon, seuls deux Parcs Naturels Régionaux accueillent dans leur territoire des populations d'outardes : Loire-Anjou-Touraine (40 mâles chanteurs) et Grands Causses (5 mâles chanteurs).
9.1. Les Zones de Protection Spéciale (ZPS)
9.1.1. Les ZPS désignées Une seule Zone de Protection Spéciale concerne l'outarde canepetière en France : celle de Crau (référencée FR 9310064), d’une superficie de 11 500 hectares.
9.1.2. Les ZPS en projet Dans la région Languedoc-Roussillon, deux projets sont en cours, concernant la ZICO « Camargue Laguno-Marine » et la Basse Plaine de l’Aude (4850 ha).
Dans la région Centre, deux ZPS devraient être désignées dans un avenir proche, sur la Champeigne tourangelle (8000 ha, Indre-et-Loire) et le secteur de Chabris-La Chapelle-Montmartin (Indre et Loir-et-Cher, 10 000 ha).
En Poitou-Charentes, la DIREN a engagé une démarche de définition des contours des projets de ZPS (à partir des ZICO, mais en tenant compte aussi de trois nouvelles zones importantes pour les outardes, hors-ZICO) et des effectifs des espèces de l’annexe 1 de la Directive Oiseaux. Pour l’Outarde canepetière et les autres oiseaux de plaine concernés par la directive oiseaux, 8 propositions de ZPS ont été faites à la DIREN par la LPO, le Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres, Charente-Nature et la LPO Vienne, pour une surface comprise entre 137000 et 140000 hectares (cf tableau 4).
Tableau 4 : projets de ZPS en Poitou-Charentes (2001)
9.2. Les actions de conservation développées en Crau
9.2.1 Protection réglementaire La mise en place d’arrêtés préfectoraux de protection de biotopes a permis d’empêcher la destruction du coussous. La création très prochaine d’une Réserve Naturelle sur 7000 ha devrait protéger 37% de la population d’Outardes canepetières de Crau, soit 15% de la population française de l’espèce. La préservation des pratiques favorables autour de la réserve (prés, herbes de printemps) reste néanmoins indispensable au maintien de l’outarde en Crau.
9.2.2 Gestion contractuelle La Crau a été l’un des tout premiers secteurs à outardes en France et en Europe à bénéficier d’actions de conservation. Elle était l’un des 4 sites pilotes d’application de l’article 19 du règlement CEE 797/85 en France. L’ensemble du système ancestral d’exploitation de la Crau par le pâturage ovin transhumant a bien failli se rompre sous la pression foncière des arboriculteurs. Plusieurs opérations ont donc été mises en œuvre pour sauver les coussous de la Crau :
La protection du coussous de la Crau s’est appuyée sur un partenariat nécessaire entre les éleveurs, leurs structures, les producteurs de foin, les associations de protection de la nature, les élus et les services de l’Etat.
9.3. Mesures agro-environnementales en plaine céréalière Mises en place à partir de 1994, les mesures s’appuient sur le programme agroenvironnemental n°2078/92 de l’Union Européenne, institué pour accompagner la première réforme de la Politique Agricole Commune. Cinq opérations, s’appuyant sur des contrats avec les agriculteurs, ont été mises en place :
Deux opérations supplémentaires ont été réalisées avec l’appui financier du Fonds de Gestion de l’Espace Rural (FGER) institué par la Loi sur l'Aménagement du Territoire de février 1995 : l’une dans le canton de Saint-Jean-de-Sauves (Vienne) (mais avec un succès limité puisque seulement quelques hectares ont été contractualisés avec les agriculteurs) et l’autre sur la commune de Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire). Le détail des cahiers des charges et des résultats des contractualisations est fourni en annexe 7.
9.4. Le programme LIFE Nature n°B4-3200/96/515 "Programme expérimental de conservation de l'Outarde canepetière et de la faune associée en France"
Opérateur national bénéficiaire : Ligue pour la Protection des Oiseaux Opérateurs locaux : Indre-Nature, LPO Anjou, Groupe Ornithologique des Deux-Sèvres, LPO Vienne, LPO Charente-Maritime, Charente Nature, Centre Ornithologique du Gard, Conservatoire Etudes des Ecosystèmes de Provence et LPO Provence-Alpes-Côte-d’Azur.
Présentation du programme (contexte, objectifs) Les objectifs du programme consistent à enrayer le déclin des effectifs d'outardes sur 7 sites français où seront expérimentés des mesures de sauvegarde. Les sites retenus en plaine cultivée couvrent 1000 à 2500 hectares Ils sont localisés en bordure ou au coeur de l'aire de distribution de l'espèce. Ces 7 sites couvrent une surface totale de 12 100 hectares Cinq se localisent dans la région Poitou-Charentes, bastion de l’espèce pour les plaines cultivées, un site se trouve en région Centre et le dernier en Région Pays de la Loire. Un site se situe en zone méditerranéenne, dans la Basse Plaine du Vidourle (Gard) pour le suivi de l'hivernage de l'espèce.
Durée : 1997 – 2001
Budget : 1 829 000 €
Résultats
Cinq actions principales ont été réalisées dans le cadre du programme :
9.5. Signalisation de lignes électriques
Quelques actions ponctuelles ont été engagées pour signaler les lignes électriques au moyen de spirales rouges et blanches.
10. Conclusion
L’effectif national d’Outardes canepetières a chuté de 7200 mâles en 1980 à 1300 en 2000, soit un déclin de 82% en 20 ans. L’évolution des populations n’est toutefois pas la même selon les grands types d’espaces agricoles où vit l’espèce :
Afin de comprendre pourquoi la dynamique des populations en plaine céréalière est opposée à celle des outardes de la région méditerranéenne, la biologie et l’écologie de l’outarde en période de reproduction ont été précisées dans le cadre d’études menées en Poitou-Charentes de 1997 à 2001 par le CNRS de Chizé (LIFE Outarde). Sept éléments principaux ressortent de ces études :
L’identification et le classement des menaces pesant sur l’outarde montrent que sur 6 menaces, l’intensification de l’agriculture compromet gravement l’avenir de l’espèce dans les plaines céréalières.
En outre, la comparaison des 3 grands types d’espaces agricoles révèle que l’outarde en Crau n’est pas globalement menacée à court terme mais que son avenir dépend du maintien du système pastoral (prairies et friches). En Languedoc, c’est surtout le développement des infrastructures et de l’urbanisation ainsi que la déprise agricole qui menacent potentiellement l’espèce ou à l’opposé, l’implantation de vignes ou le développement de cultures (soja non OGM) sur les terrains abandonnés par la viticulture.
Les risques d’extinction de l’Outarde canepetière en Crau et en Languedoc sont faibles à court terme. En revanche, ils sont bien réels en plaine céréalière, car les effectifs ont aujourd’hui fortement diminué (risque d’extinction lié à des processus stochastiques) et les causes de diminution sont toujours actives, aussi bien à des échelles régionales, qu’au niveau local sur les noyaux qui subsistent. |
Outarde en Région Centre |